❧ Intrigue: Screaming in the Night

Qui sait ce qui vous a incité à sortir cette nuit dans les rues de Valtourbe, Joahlya, Evaly, Dorante et Pinam ? Le travail, le manque de sommeil, un pressentiment ? Qu'importe, vous voici désormais aux premières loges, et il n'est pas dit que le spectacle sera celui auquel vous vous attendiez en quittant la chaleur de vos couvertures. Les rues sont vides, sans surprise, tandis que vous observez en chiens de faïences, les rumeurs ont eu raison de tous, même les âmes les plus aventureuses dissimulées chez elles. Elles n'ont pas tort, pas avec ces cris qui déchirent le silence de la ville sans rimes ni raisons.

Comme celui que vous venez d'entendre, vous surprenant. Il n'est pas très loin d'ici, à quelques rues à peine de ce que vous pouvez en juger, et il se répète, encore et encore, déchirant. Laissez-vous la compassion et la curiosité vous guider vers lui ? Ou déciderez-vous de l'ignorer, et de passer votre chemin ? Décidez-vous vite: le cri a de nouveau retenti, et il semble se rapprocher.

Déroulement de l'intrigue: Chaque joueur aura dix jours pour répondre au tour, sauf circonstances exceptionnelles (absence avec date de retour). En l'absence de réponse d'un participant à un tour, il sera considéré comme ne faisant plus partie de l'intrigue. Du fait de la durée des tours, merci de privilégier des posts courts.

La journée avait été somme toute exténuante. Joahlya sortit sa casquette de son crâne le temps de remettre ses cheveux en place, essuyant au passage la sueur de son front. Oui, exténuante était le mot, elle n'en pouvait vraiment plus. Il y avait quelques jours qu'elle travaillait 15 heures par jour et elle commençait à le sentir dans tous ses muscles. Ce soir était moins difficile que certains autres cependant, il lui était arrivé parfois de travailler tant qu'elle en avait des vertiges à la sortie du boulot. Mais ces derniers n'étaient pas au rendez-vous ce soir, ce soir elle se contentait d'être fatiguée. Elle allait rentrer, se jeter dans son lit et ronfler jusqu'à devoir se lever le lendemain, pour retourner travailler. Ensuite peut-être aurait-elle du repos, ses patrons essayaient de ne pas tuer leurs employés. Joah revissa sa casquette sur sa tête et marcha d'un pas tranquille vers chez elle, ce n'était pas très loin. Missa, lui, trottinait tranquillement à ses côtés, passant parfois sur les toits pour profiter de la douce lumière de la lune.

Soudain un nuage passa et le silence se fit plus pesant. Missa eu un mauvais pressentiment et revint près de son humaine. Ce soir ils ne passeraient pas par le chemin habituel, il ferait un détour. Le chemin qu'il prenait habituellement était peut-être un peu dangereux... Oui voilà, ils passeraient par cette ruelle. Le silence pesa encore. La respiration de Jo se fit courte et elle se mit à jeter des regards autour d'elle, nerveuse. Son pas s'accéléra et elle tendit les bras pour que Missa s'y réfugie. A deux ils étaient plus forts. Ils continuèrent leur route, aux aguets.

Peut-être était-ce ce mauvais pressentiment, ou ce gros nuage sur la lune, ou encore la fatigue dûe au boulot. Des hallucinations? Possible. Ou alors non, ce n'en était pas: il y avait beaucoup de chiens par ici. Toujours était-il qu'ils entendirent ce cri. Peut-être était-ce le vent dans des combles, peut-être était-ce leur imagination, peut-être était-ce une bête sauvage assoiffée de sang, ou un petit animal blessé... Mais ils entendirent ce cri. Et a l'entendre ils ne réfléchirent pas une seconde de plus et détalèrent comme des lapins, effrayés. Ils coururent le plus vite possible et la casquette de Joah passa peu à peu sur son visage, ça additionné au fait qu'elle tenait encore Missa, ils finirent rapidement aveugles, et le drame arriva: Joah se percuta contre quelque chose. Ou quelqu'un, elle n'avait pas eu le temps de voir, la seule certitude était que ça avait bougé, et que par conséquent ce n'était pas un mur en brique. Alors un autre cri retentit dans la nuit, mi aigu mi grave, celui d'un ado en train de muer surement, le cri se prolongea: elle hurlait de peur.

Bien que la nuit fût tombée depuis quelques heures déjà, Dorante ne ressentait pas le besoin d'aller se coucher. Parce qu'il s'était réveillé en plein jour, le sommeil ne venait pas encore alourdir ses paupières. Les rares autres personnes qu'il croisait dans la rue avaient l'air fatigué, mais ce qui étonnait le plus Dorante était de voir d'autres personnes dehors alors qu'en principe, tout le monde devrait être enfermé chez soi. Pourtant, il y en avait, une ou deux, des personnes qu'il ne connaissait pas, des personnes avec qui il allait vivre une aventure extraordinaire.
Demandez à Dorante s'il connaissait la peur, et vous n'obtiendriez de lui qu'une réponse confuse et très certainement contradictoire. Sortir et s'exposer à un danger inconnu ne faisait pas partie de ses peurs. Il n'était pourtant pas téméraire au point de désirer la mort : il voulait retrouver Aramè, son daemon, plus que tout au monde. Mais, contrairement à la plupart des gens, Dorante ne pensait pas prendre beaucoup de risques. Sa foi le protégeait. Comme il était le premier à dire que ce que l'on pensait du monde et de son fonctionnement était faux, il était tout à fait enclin à croire à l'existence de monstres se baladant dans les rues de Balgram. Dorante aurait sans doute peur. Mais en attendant, il avait du mal à réprimer la fascination morbide qui le poussait vers les pratiques les plus douteuses et les mystères les plus épais.
Tout comme ce cri que Dorante entendait à intervalles régulières. Il ne savait pas s'il était vraiment humain ou s'il pouvait effectivement s'agir d'une créature. Même s'il découvrait la vérité, personne ne le croirait, de toute manière. Personne ne croyait à son rituel de purification alors qu'il était vrai. Les gens étaient aveugles. Dorante espérait rencontrer une créature qui les dévoreraient tout crus. Pour cette pensée impure, il allait devoir se saigner, mais pour l'instant, il s'autorisait à se délecter de cette idée.
Un choc le tira de sa rêverie macabre, le choc d'une jeune femme se faisant passer pour un homme qui lui rentrait dedans à pleine vitesse. Déséquilibré un instant, Dorante reconnut rapidement le visage de Jo, cet ouvrier avec qui il avait eu l'occasion de travailler un temps. Quelle désagréable période de vie, vraiment, il était si pathétique à l'époque qu'il acceptait n'importe quel travail - et il en parlait comme s'il avait vécu cela des dizaines d'années plus tôt, alors que cela ne pouvait se compter en mois.

« Tiens, Jo. Ça va ? »

Le cri qui retentissait encore et semblait s'approcher ne perturbait pas le moins du monde Dorante, qui se comportement normalement dans de telles circonstances - et c'était cela qui était étrange. Car pour lui, tout était normal, la nuit, les cris, et même Jo qui lui tombait dessus par mégarde. Tout cela n'avait rien d'inhabituel pour les Limbes.
Sauf qu'il ne se trouvait pas dans les limbes, mais dans le quartier industriel de la ville.

L'obscurité régnait dans les rues de la belle Balgram, une odeur nauséabonde planait dans l'air, celle de cet homme qui erre à moitié ivre, un balais entre ses doigts crochu, une bouteille de rhum dans l'autre main et un rat géant qui ne cesse de se lécher les pattes sur son épaule droite tandis qu'il titube en chantant. Tout en faisant sa toilette, comme le félin qu'elle n'est pas, elle le gronde. Combien de temps cela faisait il qu'il n'avait pas nettoyer sa veste ? Bien trop longtemps au goût du daemon. Mais lui, il s'en fiche, il connaît la fourberie de ce liquide translucide qu'est l'eau. Il soupire longuement avant d'hurler un juron dans l'ombre d'une ruelle. Peu de temps après, il reçoit comme unique réponse un hurlement sinistre au loin. Immédiatement, il se fige, tétaniser par la peur. Qu'est-ce qu'était ce bruit ? Il l'ignorait. Voulait-il vraiment connaître l'origine de ce son affreux ? Pour une fois la ratte et l'humain tombèrent d'accord. Même si l'animal avait plus de scrupule que cet étrange personnage qu'était Pinam. Finalement, le daemon prit une nouvelle décision.

« Et... Et si quelqu'un était en danger ? » « C'pas mon problème Sas'. Mmmh, on a plus de rhum... » Un second hurlement retentit, plus proche que jamais, il se figea à nouveau en lâchant sa bouteille vide qui se brisa au contact du sol. « Brrrr... Terrifiant, t'veux toujours aller voir ? Ça ressemble plus au cri d'une bête affamé qu'a un cri de détresse . » « Tu as peut-être raison... Partons. » « 'Ffirmatif, cheffe. » Instantanément l'homme tourna les talons pour retrouver la taverne qu'il avait abandonné quelques rues plus tôt. « ... Si seulement tu m'écoutais plus souvent.... Tiens, tu comptes pas y retourner quand même ? Tu te souviens qu'il était à deux doigts de t'éventrer, tu as une sacré ardoise, tu as oublié ? » Pinam s'arrête dans sa course folle. « C'vrai ! Mais, on va où alors ? » « ... Bonne question... Si seulement tu n'étais pas un alcoolique fini... » « ferme-la, rat de misère... »

Malgré les apparences, l'inquiétude envahissait les deux compagnons. L'obscurité omnisprésente ne faisait qu'amplifier ce malaise persistant, c'était commun d'entendre des cris à Balgram, surtout une fois la nuit tombé. Mais de tels hurlements ? Jamais le crasseux n'en avait entendu en dehors de ses sombres cauchemars, pourtant, les rues obscurs, il les connaissait bien. Il savait où les femmes se font violer et les hommes battre à mort... Ce n'était pas vraiment ici, ou rarement.

Si Dorante semble parfaitement inconscient de la situation, Joahlya et Pinam semblent pour leur part se rendre compte que quelque chose n'est pas normal. Quoiqu'il en soit, si vous devez vous saluer ou vous éloigner, mieux vaut le faire rapidement, le cri se rapproche toujours plus, et vous pouvez enfin en distinguer la cause.

C'est un daemon. Un glouton terrifié tandis qu'il hurle, et quelque chose vous saute rapidement aux yeux. Il est seul, nulle trace de sa moitié à proximité, comme si son humain avait disparu lors d'une Amputation plutôt que lui. Peut-être serait assez observant pour remarquer autre chose d'étrange, ce collier métallique autour de son cou, plusieurs anneaux placés à des endroits stratégiques. On pourrait aisément l'attacher, pour peu que l'on ose l'approcher. Mais qui toucherait un dæmon, et où est son autre ? C'est là la question la plus urgente. Il n'empêche, vous êtes chanceux, il n'a pas encore enregistré votre présence.

Ça ne durera pas, quelque chose tombe au loin, son de verre brisé vous sortant tous de vos transes, et aussitôt le dæmon se retourne contre vous, de toute évidence prêt à l'attaque. Il n'osera peut-être pas attaquer un humain, mais des dæmons sont aussi présents, n'est-ce pas ? Missa est même particulièrement proche, et plus bas dans la ruelle, Saskiah constitue elle aussi une cible potentielle.

Un danger s'avançait vers eux. En voyant le visage des autres, Dorante commençait à le comprendre.
Ses yeux s'aventurèrent vers le lieu qu'ils cherchaient à fuir, et d'où provenaient les hurlements douteux. L'obscurité était un obstacle à sa vision, mais en lui cachant beaucoup de détails insignifiants, le jeune homme fut en mesure de constater avec plus de facilité le mouvement du daemon solitaire qui avançait vers eux. C'était la première fois que Dorante voyait une créature pareille, aussi laide et repoussante - et pourtant, son propre daemon n'avait pas été un canon de beauté de son temps. Les anneaux métalliques, qu'il distinguait de mieux en mieux, étaient un étrange apparat qu'il s'étonnait de trouver au cou de cette créature. Mais le surprenant était l'absence remarquable d'humain à ses alentours, même s'il restait une infime possibilité qu'il ne l'ait pas remarqué. Dorante n'y croyait pas vraiment, ceci dit.
Pour un homme qui refuse de croire les croyances imbéciles de ce monde, voir un daemon sans humain, aussi surprenant que cela pût être, ne faisait que renforcer ses propres convictions. Il l'avait toujours dit, la Poussière était un mythe, et voilà qu'il avait la preuve qu'un daemon pouvait subsister sans humain. D'une certaine manière, cela le rassurait, car Dorante avait besoin de cette certitude-là pour ne pas perdre espoir de revoir son propre daemon. Même si cela signifiait mourir très probablement sous les griffes de ce monstre.
Ça, c'était inquiétant, et Dorante comprenait désormais le cri de terreur qu'avait poussé Jo en lui rentrant dedans. Cela signifiait-il qu'il devait protéger le pauvre ouvrier d'une façon ou d'une autre ? S'il avait bien accompli son rituel, Dorante était persuadé d'être épargné. Il ne se voyait pas mourir, tout simplement, pas alors qu'il n'avait pas encore accompli sa mission. Dorante ne se rendait pas compte que ces pensées-là n'étaient que de bien futiles boucliers.
Saisissant le bras de Jo pour l'inciter à fuir, Dorante sentit que quelque chose n'allait pas. La créature les avait remarqués. C'était mauvais signe. Il était grand temps de s'éloigner.

« Viens, glissa Dorante à Jo. Il y a un sale type à deux pas de nous qui peut servir d'appât. Laissons-le avec le daemon et barrons-nous. »

Il ne voulait pas parler, mais il sentait que Jo le prendrait mieux que s'il lui tirait violemment le bras pour l'entraîner à l'abri. Jo avait déjà montré sa peur et risquait d'être paralysé par la vue du daemon. Dorante avait déjà vu ce genre de réactions chez plusieurs personnes, y compris parmi les plus courageuses. Mieux valait prendre toutes ses précautions.

Joahlya réussit enfin à se plaquer les deux mains sur la bouche pour arrêtait de hurler, elle avait enfin reconnu Dorante, cet homme à qui elle avait essayé d'apprendre le métier un jour. Pas de toute, il n'était pas fait pour bosser en usine, trop feignant et trop précieux. Un peu comme Missa d'ailleurs mais ce dernier n'aimait pas du tout la comparaison...

« Tiens, Jo. Ça va ? »

Evidemment que ça n'allait pas. Mais elle ne se laissa pas le temps de le dire, Missa eut un long frisson qui ne rassura pas son humaine, elle se retourna pour voir ce qu'il voyait. Cette créature... Un ours? Un petit ours? Non... Missa lui dit que c'était un glouton. Il avait meilleure vue qu'elle. Dorante n'avait pas de daemon... Peut-être était-ce le sien? Non évidemment que non, elle le savait, Dorante était un amputé. Mais elle aurait préféré que ce soit vrai. Parce que Missa était formel, il n'y avait pas d'humain ici. Peut-être se cachait-il dans une des maisons, comme Missa pouvait se promener sur le toit de l'appartement quand Jo rentrait du boulot? Cela non plus ils n'y croyaient pas, ni l'un ni l'autre. Et pourtant ils le voulaient. Mais... Les chaînes... Les chaînes. C'était évident que la situation n'était pas normale, non? Il devait souffrir... Il devait les envier d'être normaux. Peut-être voudrait-ils les tuer... Il voulait les tuer. C'était sur.

« Viens. Il y a un sale type à deux pas de nous qui peut servir d'appât. Laissons-le avec le daemon et barrons-nous. »

Joah se retourna vers le type qui venait en effet de se pointer dans la rue. Mais ils étaient tout de même les plus près... Dorante, Jo, et près de la bête Missa... Soudain le sang de Jo se figea. Missa ne bougeait pas d'un pouce, la créature avançait. Et la genette était terrorisée... Missa...

Missa! Cours!

Un frisson parcourut la fourrure de Missa, la créature sembla grogner, sûrement à cause du bruit. Et s'il le repérait...

MISSA!

Joahlya se défit de l'étreinte de Dorante et courut. Soudain le félin sembla se réveilla et courut vers son humaine, qui le rattrappa lorsqu'il bondit vers elle. Ses griffes se plantèrent dans les épaules de Jo qui n'y fit pas attention et bifurqua pour revenir en direction de Dorante.

On peut pas laisser l'autre type dans la merde. J'suis un bon gars, moi, j'laisse pas les gens crever aussi atrocement.

Une des rares fois où elle avait confiance en elle, Joah planta un regard de défi dans les yeux fous de Dorante, puis se mit à courir à petite foulée loin du danger, hélant l'homme qui semblait un peu perdu.

Il faut partir! Il y a un daemon seul... Vous m'entendez? Un daemon seul!! Courez!

Joah, sauveuse de la situation. Evidemment. J'aimerais aussi vous dire qu'après avoir mis tout le monde à l'abris, elle sortit de sa cachette le couteau que lui avait offert son père pour ses dix ans puis était allée achevée la bête souffrante, qui l'avait remerciée d'une voix douce, les yeux empli de gratitude, avant d'expirer une dernière fois... Mais il n'en fut rien. Joah n'était pas courageuse. Joah criait, et fuyait, et vous aviez eu de la chance qu'elle vous ai prévenu.