[8 mois plus tôt] Do you think God gets stoned? I think so ... look at the platypus • [Anastasia]

Quelques jours seulement qu'il est là. Enfin, il pense. Il pense que ça fait quelques jours qu'il est là, dans ce monde. Dans ce monde étrange où les couleurs sont vives et le soleil brillant. Ce n'est pas un soleil de suie comme à Balgram, un soleil gris. Non, ici, le soleil est de toute les couleurs et illumine chaque être vivant. Ici, l'herbe est fraîche, les chemins sont des damiers, la folie est commune. Ici, les fleurs sont aimables et de bonne compagnie. Mais il manque quelque chose, ici. Il manque la chose la plus importante. L'être, le plus important de sa vie. Irwin, son albatros adorée, sa belle et sa tendre, sa forte et sa magnifique, sa grande Irwin. Cela fait peu de temps qu'elle a quitté Cornelius, pourtant, il a l'impression que cela fait déjà une éternité. Le temps ici, passe vite et lentement et torture l'âme de Cornelius. Parfois il trotte, parfois il cours si vite qu'on en a le souffle coupé, mais d'autre fois il est si lent que l'on veut s'endormir. Le temps s'écoule, mais ne se remonte malheureusement jamais. Cornelius a essayé, de remonter une montre à gousset, mais rien à faire. Il ne se remonte pas.

Le campement des boussoles, c'est là que Cornelius s'était retrouvé. Il ne parlait pas aux autres, il avait du mal. Il n'était pas habitué à la compagnie humaine. Pas une fois il n'a eu des ami humain, Baba et son père ne comptent pas. Ils sont de sa famille. Tout ça pour dire, qu'il était seul, tout seul, assis à même le sol. Jouant avec ses pouces, touchant le sol, cherchant du regard une fleur à qui parler. Regardant passer les autres boussoles, la plus part buvaient du thé. Il n'en avait pas encore goûté. Il se rappelle de Baba, lui interdisant formellement d'y toucher. Elle répétait que s'il voulait en prendre il devrait commettre un crime, quitter Irwin et aller dans un endroit où plane le mystère. Il y était enfin, mais il n'avait aucune envie d'y être, il n'a jamais voulu y aller. Pourtant il y fait bon vivre, le monde tourne, en carré ou en triangle, mais il tourne. Il arrêta quelqu'un, lui demanda l'heure, la personne répondit simplement que c'était l'heure du thé, qu'on ne manque pas l'heure du thé. La personne reparti si tôt.

Un instant il s'allongea sur le sol. Se rendant compte que ce n'est pas approprié, il se releva immédiatement. Il regarda autour de lui, une fille s'approchait. Cornelius tenta de sourire, il était étrangement difficile de sourire. Il était comme crispé. « Bonjour. » Il avait cette manie de parler vite et sèchement. Ce n'est pas approprié, mais il n'y peut rien Cornelius, c'est plus fort que lui. Il doit parler vite, comme si il était pressé. Mais pressé de quoi ?

Cela faisait quelques jours que je n’étais pas sortie de chez moi, une vilaine grippe m’avait clouée au lit et voilà seulement quelques heures que je pouvais me nourrir correctement et envisager de reprendre mes recherches sur les amputés.
Après avoir enfilé un gros pull en laine et mes bottes je me ruais dehors pressée de retourner au campement. L’air était froid, mais le soleil brillait, une belle journée qui s’annonçait, ce qui fit naître un grand sourire sur mon visage.

J’avais hâte d’en apprendre encore plus sur Belgram, et je devais m‘avouer que la compagnie des anciens Belgramiens commençait à cruellement me manquer. Le campement était très calme, presque vide d’Amputés, beaucoup étaient déjà parti prendre le thé, il est vrai qu’il s’agit presque d’une religion à Wonderland, j’annulais très rarement mont thé de l’après-midi avec Ava mais là j’avais besoin de profiter de l’air frais. Je ne croisais donc qu’un ou deux amputés, tous là depuis longtemps. Je pris le temps de les saluer mais ne m’attardait pas, je les connaissais bien et avais envie de voir de nouvelles têtes.

Alors que je me promenais sans autre but que de rencontrer d’autres amputés profitant de pouvoir enfin me dégourdir les jambes sans sentir ces horribles crampes, je vis quelqu’un assis dans l’herbe, un peu en marge du campement, il était seul, sans animal à ses côtés, mais il ne me semblait pas l’avoir déjà vu. Ces boucles brunes et ce visage anguleux, je m’en serais forcément souvenue. Il avait dû arriver il y a quelques jours et avoir déjà perdu son Daemon. Dommage, j’aurais aimé savoir à quoi il ressemblait, mais bon… j’aurais au moins rencontré quelqu’un aujourd’hui.

Il s’adressa à moi avant que j’en ai pris l’initiative, son ton était sec, un peu cassant, mais je ne m’en formalisais pas, au moins il m’avait parlé. Bon nombre d’Amputés cherchaient à nous éviter comme la peste les premiers jours de leur arrivée. Je lui répondis alors, d’une voix douce, celle que j’employais quand je rencontrais un nouvel arrivant.

« Bonjour, je m’appelle Anastasia, mais tu peux utiliser Ana si tu le désires. Je suis ravie de pouvoir voir une nouvelle tête, tu ne dois pas être là depuis longtemps, as-tu déjà rencontré certains Wonderlandiens ? »

Je ponctuais ces paroles d’un sourire rassurant, et tendis la main attendant de voir si il la prendrait.

Pour une fois dans sa vie, il essayait de paraître ouvert, mais c'était chose difficile. Il faut avouer qu'avoir eu pendant tant d'années pour seule amie un albatros n'aide pas grandement. Il était là assis par terre, piteux et seul. Assez triste pour que la mer jalouse les flaques que pourraient faire ses larmes la nuit. A l'heure du thé, le camp presque désert avait accueilli en son sein une jeune fille. Cette jeune fille aux traits fins t'avait l'air sympathique et par politesse, car Cornelius est très attaché au respect, tu la salua. N'attendant pas spécialement suite, car trop habitué à être ignoré sans doute, il retourna à fixer le sol. Mais cette jeune fille fort gentille entama un échange.

Elle se présenta, disant s'appeler Anastasia. Elle lui proposa même de la surnommer Ana, oserait-il ? Non, sans doute pas dans l'instant. Trop peu habitué aux rapports amicaux avec des humains autres que sa propre famille. Il avait relevé la tête, un sourire un peu forcé étirait ses lèvres. Il ne voulait pas lui faire peur donc il souriait, mais c'était quelque chose de compliqué lorsque l'on est si triste. Finissant de parler par une question, elle tendit la main à Cornelius. Il eut un instant d'hésitation, la prendre ou ne pas la prendre ? Il tendit à son tour sa grande main. Enfin, elle avait des mains de jeune fille et les siennes lui paraissaient être celles de géant comparé à celle d'Anastasia. Mais il la saisit, doucement, presque avec la peur de la casser. « Je suis Cornelius Nethersole, ça fait quelques jours seulement que je suis ici en effet. » il prit une petite inspiration en humidifiant nerveusement ses lèvres. « Je dois dire que non, je n'ai pas encore fait la connaissance de Wonderlandiens. Vous en êtes ? » il était naturel de se poser la question. Comment un juge aussi atroce soit-il pourrait envoyer une jeune fille qui a vu d’œil doit avoir à peine la majorité de l'Autre coté ? Un fou sans doute. À ces pensées tordus, imaginant le juge fou condamner une jeune fille avec tant d'innocence sur le visage, Cornelius claqua la langue. Se rendant compte de son erreur, ravala sa salive et sourit toujours aussi tendu.

Trouvant le sol inconfortable et impoli d'être assis alors qu'Anastasia est debout, Cornelius se releva. Pour ne pas la laisser debout seule. « Ma foi le sol est peu confortable. » C'était censé être ironique mais il ne savais pas si le ton allait. Alors un sourire accompagna la réplique, pensant que cela allait rendre la chose plus drôle.

Il prit effectivement cette main que je lui avais tendu, la sienne était grande, un peu rugueuse mais sa poigne douce, je sentais une certaine tension de contact, comme si il se retenait de réellement prendre ma main.
Ce premier contact avec quelqu'un était très important pour moi, il m'indiquait clairement la direction à prendre avec cette personne, pourrais je vraiment m'en rapprocher ? Ne serait-elle qu'un sympa;le "cobaye" ou bien un véritable ami ? Comment pourrais-je lui parler ?

Cornélius semblait très introverti mais sans pour autant avoir un mauvais fond, au contraire. Je pense qu'il aurait beaucoup à m'apporter, tant humainement que scientifiquement. Il était agréable, curieux, une belle rencontre en perspective.

"Je suis effectivement née ici, une Wonderlandienne comme on dit. Je n'ai jamais connu d'autre monde que celui-ci, contrairement à vous."

Alors que je lui répondais, Cornelius se releva, seul, sans prendre appui sur mon bras. Comme pour se justifier, il lança une petite plaisanterie qui me fit sourire.

"Cela vous dirait-il d'aller prendre un thé pour faire plus ample connaissance ?"

Le thé, ce rituel sacré qui m'avais permis de sceller bien des amitiés était quelque chose que je tenais à partager avec lui, j'étais très curieuse de savoir comment il avait pu arriver à Wonderland.

"Se pourrait-il que nous nous tutoyons ? J'ai beaucoup de difficultés avec ce "vous" qui met tant de distance entre les gens"

C'est en lui souriant, que j'attendis sa réponse tout en me demandant où nous pourrions nous installer pour prendre ce fameux thé et les pâtisseries qui lui sont associées.